De notre Camarade, le Docteur Charles-Marie RAYNAUD , de Salies-de-Bearn,
– Philo 1893 –
J’allais avoir vingt ans…Cet âge peut-il passer encore pour l’adolescence. Je ne sais, mais les particularités de l’histoire que je vais raconter me serviront d’excuses.
C’était au pays d’Eugénie et Maurice de Guérin auxquels des liens de parenté nous attachent. Mes frères étaient rentrés au collège, et je jouissais encore, comme étudiant, de quelques jours de liberté.
Dans ce pittoresque pays du Tarn, nous avons une maison en bordure de la Forêt de Grésigne, je décidai d’aller y passer quelques temps chez notre locataire un notaire des plus accueillants et grand chasseur.
Un jour, après un de ces repas comme on en fait dans ce pays-là, le but de la promenade fut la tour de Vaour, ancienne Commanderie des Templiers, datant du treizième siée et en ruine plus qu’à moitié. Je ne sais quel diable me poussant, je m’engageai dans l’escalier croulant, dont les pierres se détachaient à chaque marche que je montais, faisant des courses aussi folles que retentissantes…
Enfin, j’arrive en haut, à près de vingt mètres au-dessus du sol, sur une petite terrasse sans parapet, d’où la vue s’étendait sur un panorama admirable au Nord, les Monts d’Auvergne; au Sud, les Pyrénées; à l’Est, les Cévennes; à l’Ouest, les plaines sans fin. II faisait une lumière étincelante, bien qu’on fût au 1er Octobre.
Est-ce l’effet de cette lumière, en sortant de cet escalier froid? Est-ce le trop bon déjeuner de mon ami le notaire? Est-ce le vin de Cahors, trop capiteux pour mon jeune cerveau? Toujours est-il qu’il me sembla tout à coup que le paysage se renversait, que j’avais les pieds dans le ciel et que la terre venait au-dessus de ma tête. Ce n’était pas une pure imagination, car après un temps qui me sembla fort long, je ressentis le choc le plus formidable qu’il soit permis à un être vivant de ressentir. Continuer la lecture de « UNE CHUTE HISTORIQUE »