Forestiers, bûcherons, débardeurs, scieurs de long
& charbonniers en forêt de Grésigne
par Lisa Matz
Si vous me parlez de forêt, de débardage, de passe-partout ou encore de charbonnière, c’est à peu près comme si vous me parliez… en chinois !
Et pourtant, depuis que j’habite à Vaour, la Grésigne revient souvent à mes oreilles, il paraît même que certains y ont travaillé pendant de longues années…
Alors, j’ai voulu savoir et je suis partie à la rencontre de certains de ces hommes des bois.
NB : les citations des témoins sont indiquées en italique dans le texte.
Un peu d’histoire ne nuit pas !
Tout le monde dit que c’est une forêt naturelle alors qu’elle est occupée par les sociétés humaines depuis des millénaires !
Qui mieux que Bernard Alet, géographe et amoureux de la Grésigne, pour nous parler de son histoire ? J’apprends avec lui que la forêt fut de tout temps très convoitée et joua un rôle capital dans l’économie locale durant tout le Moyen-Âge. D’abord forêt seigneuriale, la Grésigne devint forêt royale à la fin du XIIIème siècle.
Le saviez-vous ?
Le « mur Louis XIV » (ou mur Colbert), mur jalonné de bornes royales, fut construit pour matérialiser la « frontière » entre le domaine royal et les communautés riveraines. La plupart de ces bornes remarquables nous sont parvenues aujourd’hui en assez bon état.
>> Consultez l’intégralité de son article La forêt domaniale de Grésigne : une histoire mouvementée entre nature et société (2020) dans le livret “Les hommes des bois” disponible à la mairie de Vaour.
Les forestiers
Yvon Grzelec est responsable d’Unité territoriale Grand Ouest à l’ONF et coordonne une équipe composée aujourd’hui de 3 techniciens forestiers pour la forêt domaniale de Grésigne. Gérer la Grésigne aujourd’hui, c’est définir un programme de coupe pour répondre aux besoins de la filière forêt-bois, permettre le renouvellement des peuplements âgés en maintenant l’équilibre forêt-gibier, préserver la biodiversité, sensibiliser le public au milieu naturel… et rappeler que toute sortie en forêt est conditionnée au respect du milieu naturel et des autres usagers avec lesquels nous la partageons !
Le saviez-vous ?
Chaque technicien forestier possède un triage (secteur de travail) compris entre 1300 et… 1800 hectares !
Les bûcherons
Je n’aurais pas pu faire autre chose : j’étais fait pour ça.
Jean-Jacques Plantade a coupé du bois pendant plus de 40 ans et travaillé partout !
Il me parle de la tempête dévastatrice de 1982, des achats de coupes à l’ONF, des Chinois qui achètent tout le bois français, mais encore de l’évolution du bois de scierie vers le bois de chauffage.
Son témoignage en 3 dates clés
1976 : Jean-Jacques débute comme salarié dans l’entreprise de son père, les établissements Plantade Jean
1999 : il monte l’entreprise La Forestière du Sud et devient « nomade de la forêt » !
2019 : Jean-Jacques prend sa retraite
Le saviez-vous ?
L’arbre qui passe dans une scierie a au moins… 70 ans !
Les débardeurs
Robert Bargiacchi a travaillé pendant plus de 30 ans comme débardeur, amenant les troncs d’arbres en bord de route, chargeant les camions et maniant la scie à ruban dans la scierie familiale. Il évoque un carnet de commandes qui ne désemplissait pas et les nombreuses scieries autour de Vaour qui travaillaient en bonne intelligence… J’apprends encore que son oncle, Augusto Bargiacchi, était un important recruteur italien.
Son témoignage en 3 dates clés
fin des années 1940 : Robert fait ses premiers pas dans la Grésigne
1969 : il rejoint l’entreprise familiale, la scierie Papi-Bargiacchi
2002 : la scierie Papi-Bargiacchi est démolie et le terrain vendu.
Le saviez-vous ?
Le métier de forestier est le 2ème métier le plus dangereux, après celui de marin pêcheur.
Les scieurs de long
Né à proximité de la Grésigne, Thierry Albero a trouvé son rythme en alternant le métier de berger en été et celui de scieur en hiver. Il m’a parlé du métier de scieur, du plaisir d’ouvrir un arbre, de la forêt malade, des résineux de la Montagne Noire… et a fait un triste constat : les gens d’ici ne profitent plus du bois de la Grésigne et n’en vivent plus. Pire encore : il n’y a plus de scie autour de la Grésigne aujourd’hui.
Son témoignage en 3 dates clés
1986 : Thierry commence à travailler comme scieur de long à l’âge de 20 ans
1997 : il s’installe comme paysan avec un troupeau de brebis à Roussergues
2020 : incendie de la scierie Venturi
Le saviez-vous ?
Les glands de la Grésigne sont envoyés dans le nord de la France tandis que l’ONF pratique ici des essais de plantations d’arbres de climat méditerranéen (chêne vert…)
Les charbonniers
>>Seule la consultation de documents et d’ouvrages m’a permis de “partir à la rencontre” des charbonniers italiens en Grésigne.
Au début du XXème siècle, le charbon de bois était une matière précieuse, indispensable à la vie économique et qu’il fallait produire en grandes quantités. À partir des années 1920-1930, on fit appel à des Italiens pour pallier à une main d’œuvre déficitaire et à un fort exode rural. Originaires de la province de Pistoia (Toscane, Italie) et spécialisés dans la sylviculture, ils étaient bien souvent frères, cousins ou amis.
Le saviez-vous ?
Il fallait 1 tonne de bois pour obtenir 200 kg de charbon !
>>À voir Il canto della carbonara, film réalisé en 2008 (Jean-Louis Pieux et CUMAV du Tarn) qui retrace, outre les techniques de la carbonisation, le parcours de plusieurs de ces charbonniers transalpins.
Vous voulez en savoir plus ?
Retrouvez l’intégralité des témoignages dans le livret “Les hommes des bois” disponible à la mairie de Vaour.
L’histoire par l’image en consultant les livres Le Tarn d’antan à travers la carte postale ancienne (Ed. Hervé Chopin, 2012) et Gents del pais gresinhol : canton de Castelnau-de-Montmiral (D.Loddo, Ed.Cordae-La Talvera, 2010)